Jeudi 13 novembre, les classes de terminales littéraires et ST2S ont eu la chance de rencontrer le romancier Franck Pavloff, auteur de la nouvelle « Matin Brun. » Retour sur un échange littéraire court mais vivant.
Il est né en 1940 à Nîmes et n’a cessé d’écrire… romans, fictions romanesques, carnets de voyages, poèmes ou encore nouvelles et romans jeunesse. Après avoir suivi des études de psychologie et de sociologie, il se lance à l’aventure. Lui qui en rêvait, le voilà sur les routes de l’inconnu, près à faire du paysage sa source d’inspiration et d’imagination. Il travaille en Afrique d’abord avant de parcourir le monde pour explique-t-il : « Rencontrer des gens différents qui ne me ressemblent pas. » L’Asie, l’Amérique latine, l’Alaska et même le Groenland ! Sa hantise, avoue-t-il tristement, serait d’ailleurs de se lever un matin et de ne rencontrer personne d’autre que lui même… Durant sa vie il a été éducateur de rue, responsable d’associations en lutte contre la toxicomanie et la délinquance, il a aidé des familles en difficultés et s’est battu pour le droit des enfants. Il aime les gens. Il est proche du monde extérieur et veut connaître des êtres qu’il ne reverra sans doute jamais. Se nourrir de l’inconnu pour apprendre, s’enrichir et partager avec l’autre ; son voisin, un voyageur chevronné ou un peuple nomade et pouvoir communiquer. C’est alors grâce à ses voyages qu’il découvre la beauté du monde et ce qu’il va raconter. « Il me faut de l’espace pour écrire ! » assume t-il tout simplement. Il esquisse alors une comparaison avec d’autres écrivains : certains sont devant leurs ordinateurs, une couverture sur les genoux et leur tasse de thé à proximité… et ils écrivent d’excellents romans policiers ! Ils ne sont jamais allés à New-York mais leur description des rues et quartiers sombres de la grosse pomme est tout simplement bluffante. Pourtant, lui avoue aimer et admirer « les écrivains qui se sont frottés au monde pour écrire. »
« Matin Brun » (1998) relate en quelques pages la parole subjective et partielle de Charlie et de son ami, narrateur dont l’identité reste inconnue, face à la montée en puissance d’un système totalitaire, en se référant explicitement à la seconde Guerre Mondiale et à la « peste brune » mais également à l’Etat Français (Vichy.) Quand on demande à Franck Pavloff s’il a été étonné du tel succès de sa nouvelle, il souligne, souriant, la portée universelle de son écrit. Comme il le dit si bien, l’utilisation de la première personne du singulier lui a permis de faire prendre part le lecteur à l’histoire. « On rentre dans le « je », le livre nous appartient. » De plus l’absence d’indications spacio-temporelles renforce son accessibilité et la possible transposition de sa dénonciation à des conflits plus récents. « J’ai envie qu’il s’affiche dans les rues, qu’on en parle… » Sa nouvelle a désormais dépassée les 1 500 000 exemplaires et a été traduite dans vingt-cinq langues, preuve de son succès… Plus qu’une « histoire, » c’est avant tout un récit allégorique (ou apologue) qui souhaite, au travers d’une fiction, « éveiller les consciences » comme le dirait son auteur. Les derniers mots du narrateur nous laissent d’ailleurs la possibilité de continuer nous même l’histoire au travers de la réflexion… « J’ai peur. Le jour n’est pas levé, il fait encore brun au dehors. Mais, arrêtez de taper si fort, j’arrive. »
Et lorsque finalement on questionne cet homme sur le véritable pouvoir de la littérature, il prend le temps de réfléchir. Il explique très consciencieusement que l’écriture permet de laisser des traces de ses émotions. Lorsque l’on écrit, que ce soit un roman, de la poésie, un scénario ou encore une nouvelle, il n’y a pas de note fausse comme en musique. Tant que l’émotion y est et que l’on croit en ce qu’on écrit, cela sonnera toujours juste. On pourra toujours écrire.
« Ni couleur imposée, ni pensée unique, nos matins seront libres. » Franck Pavloff
Marie Seguin TL1 Novembre 2014