Les Petites Plaidoiries
Le soleil pointait légèrement ce mercredi 1° févier 2022. Nous avions rendez-vous devant cet immense monument très sombre, fruit du travail de l’architecte Jean Nouvel. Le parvis de guingois est pavé, peut-être pour afficher d’entrée le dur chemin à parcourir pour accéder à la justice.
Une première élève arriva sur le parvis du Tribunal judiciaire, puis d’autres élèves, seuls ou à deux ou alors accompagnés de leur enseignant, souvent une enseignante. Visiblement, chacun et chacune avait choisi avec soin la tenue vestimentaire susceptible d’emporter le choix du jury.
Le concours des Petites plaidoiries n’est ouvert aux élèves de Terminales générales qui suivent l’option Droit et Enjeux du Monde Contemporain que depuis 1 an ; avant l’option et le concours s’adressaient aux élèves de la filière littéraire. Rentrer dans le Tribunal judiciaire de Nantes est impressionnant. L’entrée est filtrée comme lors des contrôles d’embarquement dans un aéroport. Les plafonds sont très hauts, les motifs très géométriques, les portes très épaisses. Noir et bordeaux dominent.
Chaque trio, constitué de deux élèves et de leur enseignant respectif restait concentré sur son objectif : remporter une des trois premières places de ce concours. Nous étions parmi les 12 équipes (« binômes » dit le document officiel) finalistes du concours. La compétition avait déjà éliminé une partie des 52 classes de l’Académie (48 établissements concernés). « Rude compétition et sélection difficile » ont dit les deux Inspecteurs présents « car le niveau était élevé ». Tout ceci nous rendait fières.
C’est le moment d’évoquer les « ratés » de cette épreuve : aridité intrinsèque du droit et difficulté à en obtenir des certitudes en termes de jurisprudence, difficulté à faire avancer tous les élèves dans le cas pratique qui nous était proposé, complexité de ce cas où le salarié, plutôt sympathique car porteur d’une certaine éthique dans son métier de banquier, se voit trahi dans ses convictions par son employeur. Néanmoins, les élèves devaient plaider la décision de la banque qui l’avait licencié car il n’avait pas respecté la procédure légale des « lanceurs d’alerte ». La Covid a aussi joué contre nous, en nous privant de plusieurs élèves au moment stratégique.
Nonobstant, la classe réussit car elle a joué collectif. L’étape de recherche de jurisprudence a mobilisé la classe sur les points différents du procès à aborder dans notre plaidoirie. La mise en oral a marqué le véritable décollage de cet oral de 5 à 7 minutes. La très bonne construction d’une des élèves a permis de laisser entrevoir une éventuelle réussite. Chacun a apporté une pierre à cette œuvre : un petit conseil par-ci, une petite critique par-là, un ajout, un retrait, une volontaire pour faire défiler le texte (pas encore bien connu), une idée de notre proviseure adjointe, une autre de notre proviseur, l’aide matérielle de chacun pour dégager une scène décente… : la plaidoirie s’est édifiée grâce aux apports de tous.
Peut-être avions-nous toutes en tête ces souvenirs avant que le binôme des filles qui représentaient le lycée La Colinière ne vienne se présenter devant le jury constitué du président du Tribunal, des inspecteur et inspectrice, du président de la faculté de droit de Nantes, d’une avocate. Chaque binôme a défendu sa partie dans un procès virtuel, puis répondu aux questions juridiques du jury. Chacune, chacun est ensuite reparti, soulagé d’avoir fini l’épreuve, avec une attestation de finaliste, salué par le Recteur d’Académie.
Notre binôme n’a pas gagné, mais il a bien joué son rôle.